Tribune par Guillaume Broutart, Directeur France, Teamleader
Les TPE/PME françaises tarderaient à prendre en compte le volet digital de leur organisation. Il est temps pour elles de prévoir une évolution des processus afin de détecter leurs besoins et de choisir les bons outils. Elles pourront ainsi rattraper le retard pris par la France sur ces voisins européens en terme de digitalisation de ses PME.
Un passage au numérique tardif au détriment de la productivité
Selon l’Insee, la France compte 3,5 millions de PME. Le rapport Deloitte commandé par Facebook pour évaluer la digitalisation des PME françaises dresse un constat surprenant pour ce levier économique du pays. Les TPE/PME françaises sont en retard devant leurs voisines européennes, concernant les réseaux sociaux, le e-commerce et l’usage d’outils digitaux de productivité. Le rapport se base pour cela sur plusieurs symptômes. Seules 11% des TPE/PME françaises de moins de 50 collaborateurs sont équipées en outils digitaux de productivité, soit deux fois moins que les PME européennes. De quoi être alarmé, quand on sait qu’elles constituent 99% des entreprises françaises. Pourtant, selon les études récentes, le passage au numérique constitue le besoin numéro un des petites et moyennes entreprises. Quand on sait que les outils de CRM (gestion de la relation client) peuvent faire gagner 30% de son temps à une entreprise, on ne peut que s’inquiéter de ce décalage. D’autant que les conséquences ne se répercutent pas uniquement sur l’entreprise. Selon le même rapport, sept consommateurs sur dix affirment acheter des produits ou des services en ligne. Pourtant, seule une PME sur huit a recours aux solutions de vente en ligne, et 90% d’entre elles n’ont pas encore franchi ce pas décisif. A l’origine probable de ces lacunes, un décalage entre les habitudes actuelles des consommateurs et la capacité des entreprises à s’y adapter.
Des PME rétives au changement
Si les entreprises françaises de petite ou de moyenne taille tardent encore à passer au numérique dans leur totalité, c’est avant tout parce que les outils digitaux sont encore perçus comme trop complexes à implémenter et à gérer. Et ce, même si elles comprennent clairement l’intérêt d’adopter des solutions digitales, telles que les outils CRM (gestion de la relation client), pour gagner en productivité. Aujourd’hui, les stratégies de vente doivent être cross-canal : c’est pour cette raison que les entreprises doivent considérer l’aspect digital de leur activité, à plus forte raison lorsqu’il s’agit de créer du lien avec les clients. Mais elles se retrouvent souvent confrontées à un immense choix d’acteurs qui s’adressent à un besoin spécifique : rares sont les acteurs qui proposent une solution tout-en-un.
Trouver la solution idéale peut alors se révéler un véritable chemin de croix. Sans accompagnement, on passe d’un outil qui s’avère mal adapté à un autre jusqu’à développer une certaine méfiance ou à douter de son besoin. Ce qui nous amène au dernier frein, non moins justifié. Parfois insatisfaits de leur choix parmi les petites et moyennes structures de services digitaux, les PME se tournent alors vers les leaders du marché. Il est vrai que les géants du CRM et des solutions SaaS ont déjà fait leurs preuves. Néanmoins, l’offre est relativement complexe et chère, et souvent destinée aux grands groupes. D’un côté, les TPE et PME gagneraient donc à se tourner vers des sociétés stratégiquement spécialisées dans l’accompagnement digital des entreprises de leur taille, qui proposent des solutions simples et abordables. D’un autre côté, les entreprises spécialisées dans la transformation digitale gagneraient à mettre l’accompagnement de ces PME au centre de leur stratégie.
Prioriser la transformation digitale
L’équation est complexe : il faut pouvoir se montrer « agile » et ouvert à la transformation numérique, sans pour autant que cela soit un chemin de croix. Pour résoudre l’équation, on peut adopter une stratégie analogue au product thinking (ou stratégie construite autour du produit) mais cette fois autour des outils digitaux de l’entreprise. Partir du digital pour construire la stratégie de l’entreprise permet de se poser les bonnes questions en amont : quels outils correspondront à l’activité de l’entreprise ? Quelles sont les spécificités sectorielles à prendre en compte avant de mettre en place la transformation digitale de l’entreprise ? Quels outils conviennent le mieux à l’organisation interne envisagée, à la culture insufflée au projet, ou à la future stratégie de vente ? On évite ainsi d’avoir à défaire ce qui a été construit ou à tout restructurer pour intégrer une dimension numérique, et on gagne en productivité. Le numérique est alors moins une étape qu’un élément du processus de construction. Certes, l’implémentation d’un logiciel ou d’un service SaaS peut prendre du temps. C’est d’ailleurs un autre frein à l’adoption d’outils digitaux de productivité. Mais ce temps sera rentabilisé plus largement, d’autant que de nouveaux services, plus simples à prendre en main, naissent chaque jour et sont mis à disposition des PME spécifiquement.
Ce dont les entreprises ont besoin, c’est peut-être d’un engagement politique qui favorise la transformation digitale des petites et moyennes structures. Un tel engagement pourra apaiser la psychose liée à la sécurité des données, et accélérera la transformation digitale au sein des TPE/PME. Dans un avenir proche, la productivité des entreprises pourrait bien provenir entièrement de la digitalisation des processus dans les TPE/PME. En accélérant la digitalisation des entreprises, la France, un des fleurons historiques de l’Europe, saisira deux opportunités : celle de rattraper son retard et de renouer avec la croissance tant espérée.
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