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L’expérience client dans les grands groupes : l’exemple de LA POSTE

expérience client
Isabelle Cambreleng

Interview d’Isabelle Cambreleng Directrice de l’expérience client, des ventes en ligne et de la communication

Quelles sont les spécificités et les défis de la relation client du Groupe La Poste ? 

Le groupe Poste est une grande maison qui opère sur des marchés diversifiés (courrier/colis, services de proximité, logistique, bancassurance, téléphonie mobile) mais avec la même empreinte de marque qui porte des valeurs fortes et signe des engagements de confiance et de qualité. C’est avec La Poste que nos clients entrent en relation quelle que soit la nature de leur besoin même avec La Banque Postale qui a un statut particulier et un territoire d’expression qui lui est propre. Quand nos clients rencontrent un de nos conseillers financiers, c’est la porte du bureau de poste qu’ils franchissent et La Banque Postale porte aussi fièrement cet ADN dans son nom !

Qu’ils soient particuliers, pros, entreprises, ils attendent donc de nous de l’efficacité et de la cohérence. Un bon produit et une communication efficace ne suffisent plus. Le digital et les évolutions consumer génèrent de plus en plus de besoins de personnalisation et de proximité dans la relation.

Ce qui se traduit notamment dans l’organisation par la nécessité d’harmoniser nos process de relation client d’une branche à l’autre, d’un canal à l’autre et de travailler ensemble à optimiser notre connaissance client pour apporter le bon service au bon client, au bon moment et quel que soit le canal qu’il choisit pour entrer en contact avec nous.

C’est pourquoi La Poste a engagé l’année dernière un grand projet prioritaire groupe sur la connaissance client pour donner une vision 360 du client à tous les points de contacts, travailler la data finement et proposer des offres personnalisées en adaptant le niveau et la nature du service à chaque profil de client concerné.


Vous avez fait de la simplification de l’expérience client digitale une de vos priorités. De quels constats êtes-vous-partis ?

Le sujet était complexe. Depuis 1992, La Poste avait multiplié les initiatives sur internet mais ces dernières années elle s’y était projetée plutôt dans les logiques de ses offres et de ses organisations. Nos actifs étaient solides mais trop atomisés et leur performance et leur notoriété en pâtissaient. Et les attentes de nos clients qui passaient de plus en plus de temps en ligne se recentraient sur l’utilité et la facilité de prise en main.

Nous avons donc engagé en 2013 un grand chantier de simplification de l’expérience client en ligne pour garantir des parcours fluides, intégrés sur toutes les interfaces clients, sur nos médias propriétaires et sur les médias sociaux qui ont pris toute leur place dans le quotidien de nos clients. Pas de grand soir mais un programme d’intégration avec des jalons ambitieux sur la road map et une dynamique d’enrichissement de l’expérience de marque et d’amélioration continue qui nous ont permis en trois ans de booster nos performances CA et d’améliorer significativement la satisfaction de nos clients.

Quels ont été les leviers du succès de ce grand programme ?

Je suis convaincue que c’est d’abord la mise en place d’une organisation permettant de garantir l’efficacité et la réactivité avec l’installation en central à la direction du Numérique d’un pôle d’experts positionné en atelier unique au service du développement business des branches et de l’image numérique de la marque. Des experts IT, métiers, relation clients et communication qui travaillent ensemble sur la même road map au sein d’une même équipe en mode agile.

Nous avons démarré ce chantier en écoutant nos clients et en remettant à plat nos parcours en ligne multiécran en les croisant avec les besoins et attentes de nos clients, les caractéristiques de nos offres et les potentiels des interfaces. Une étape qui a mobilisé beaucoup d’acteurs dans l’entreprise mais qui a été essentielle pour donner la bonne impulsion dans la bonne direction.

L’enjeu reposait aussi sur notre capacité à développer la notoriété de nos offres pour favoriser l’acquisition et la fidélisation. Nous avons donc réuni nos forces et mis en place une stratégie de marketing digital unique pour cet écosystème digital fortement orientée sur les contenus et conçue en complémentarité et en cohérence avec nos actions sur les canaux physiques.

Enfin, nous avons travaillé à digitaliser nos process de relation client pour proposer à nos clients des solutions d’aide en ligne et du sur-mesure en one to one quand c’était nécessaire, ce qui nous a fait gagner en efficacité et qualité perçue.

On parle beaucoup de personnalisation de la relation client. Comment avez-vous intégré ce sujet à vos travaux ?

Quand nous avons démarré ce programme, La Poste ne connaissait pas bien ses clients particuliers. Nos sites avaient chacun leur base de données. Nous n’avions pas de compte client unique, pas de connaissance clients particuliers partagé. Imaginez ce potentiel incroyable de 12 M de visiteurs uniques en ligne par mois et 2 M de clients qui visitent nos bureaux de poste chaque jour. Et puis comment répondre à ces nouvelles attentes de personnalisation en ligne sans connaitre ses clients ? Après avoir revu nos principaux parcours et avoir mené une première phase d’intégration notamment e-commerce, nous avons donc rapidement activé une stratégie d’enrôlement en ligne avec un compte client unique qui rassemble pour nos clients toutes les informations utiles de leur relation à La Poste et qui leur propose des services à valeur ajoutée. Cette dynamique démarrée en ligne a été profitable directement à nos actions de fidélisation pour nous permettre d’ajuster au mieux nos actions de marketing digital. Elle a apporté un confort d’utilisation direct à nos clients. Elle est en train de s’étendre à notre réseau physique. Difficile d’imaginer de s’en passer surtout quand on dispose d’un réseau de 17 000 points de contact et de 80 000 facteurs qui passent 6 jours sur 7 au domicile des Français !

Qu’est-ce-qui vous a semblé le plus complexe dans ce chantier de simplification de l’expérience client ?

Ce type de grand chantier nécessite beaucoup d’écoute, de détermination et de courage aussi. Il n’aurait pas pu aboutir sans le soutien du top management et l’énergie incroyable de l’équipe. Nous avons un peu bousculé les organisations. En matière de conduite du changement, de chantier client centric, le digital a peu près tout changé. On réfléchit autrement. On travaille autrement de façon horizontale, on manage différemment. Et ce n’est pas toujours facile d’embarquer tout le monde dans cette dynamique. Pour moi ce n’est pas qu’une question liée à la maturité des connaissances sur le digital, c’est surtout une question d’état d’esprit, de capacité à collaborer et à jouer collectif. Mais on y arrive. La preuve 😉

La deuxième complexité est liée au dispositif en lui-même nécessairement multiscreen et multicanal. Avant on pilotait les évolutions sur son site internet, on animait son compte Facebook, on optimisait son merchandising boutique de façon assez silotée… Aujourd’hui, il faut coller aux usages et exploiter le meilleur des innovations pour proposer une expérience la plus fluide et la plus utile. Cette continuité embarque bien évidemment les réseaux physiques. On et off line, sur son ordinateur, sur mon mobile, son compte twitter, dans les points de vente, le client est partout et c’est lui qui décide.

Cette nouvelle boucle de l’expérience client plus riche, plus large, plus à sa main, plus instantanée parfois aussi challenge les habitudes de travail et de collaboration au sein des entreprises. Plus que jamais, elles ont besoin de penser et de jouer collectif pour apporter les réponses les plus adaptées aux besoins de leurs clients.

 

Interview réalisée par Romaine Klein



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